Description

Américaine, l’autobiographie de Dany Laferrière ? Ô combien ! Dans le sens de « toute l’Amérique ». Il prend le
mot dans son acception la plus vaste et la plus exacte : son Amérique, c’est celle de Haïti où il est né, mais aussi de
Miami et de New York où il a vécu, du Canada où il vit encore en partie. L’Amérique dont Bolivar songea à faire un
seul continent, l’Amerika du grand poète Walt Whitman qui chantait ses indigènes, la vaste Amérique des Blancs,
des Noirs, des métis, des esclaves, des vaincus qui savent parfois vaincre, puisqu’aussi bien Haïti est le premier pays
noir à avoir défait un pays blanc. L’Amérique qui est un grand songe, celui d’un monde divers, énergique, imaginatif
et parfois violent, dont la violence doit être tempérée par un art de vivre, mieux : un art de la vie.
Dany Laferrière illustre à merveille cette remarque de Cocteau selon qui tout poète est une démarche. Elle est
constituée d’une (fausse) nonchalance et d’une (authentique) gravité qui a la politesse de ne pas s’exhiber. De
Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer ? à L’art presque perdu de ne rien faire, on constatera son
évolution du swing au smooth, pour comparer avec le jazz qu’il aime tant. Mais toujours, toujours, cette manière
bien à lui de montrer que la meilleure façon de marcher consiste à faire un pas de côté. On prend mieux la vie quand
on l’aborde, non de face, mais en la prenant par le côté pour la faire danser.
Devenu académicien français en 2013 après avoir obtenu le prix Médicis en 2009 pour L’Énigme du retour, Dany
Laferrière ne se situe jamais où on l’attendait d’un livre à l’autre, ce qui ne l’empêche de rester le même. Lorsqu’il
dit : « Je suis un écrivain japonais », il ne fait pas un bon mot. Il postule cet art de vivre qui consiste à aller voir
ailleurs. C’est toujours là qu’on est, en partie. En Amérique.