Description
L’histoire commence en mars 1966 avec la publication de Treblinka. L’auteur, Jean-François Steiner, fils de déporté, décrit l’insurrection du camp d’extermination de Treblinka (2 août 1943), où 800 000 Juifs furent assassinés entre 1942 et 1944.
Lancé par une campagne publicitaire tapageuse, préfacé par Simone de Beauvoir, Treblinka obtient le Prix littéraire de la Résistance. Le succès, immense, en France comme à l’étranger, déclenche une controverse publique violente, impliquant nombre d’historiens et d’intellectuels, parmi lesquels Pierre Vidal-Naquet, Léon Poliakov, Claude Lanzmann, David Rousset, Emmanuel Levinas et Romain Gary.
La controverse se cristallise autour de deux thèses qui ressortent de l’ouvrage : celle de la passivité voire de la complicité des victimes du génocide dans leur propre mort ; celle de la nécessité d’un nouveau mode mémoriel dans lequel les victimes juives recevraient une attention spécifique, alors que l’extermination des Juifs était jusque-là assimilée aux autres crimes nazis. La polémique est renforcée par le fait que Steiner présente son livre comme un document objectif, sans préciser qu’il a ajouté des éléments fictionnels et déformé des témoignages de survivants du camp.
Samuel Moyn propose une analyse micro-historique subtile et critique de la genèse de l’affaire Treblinka et de ses développements. Il montre plus largement à quel point cette controverse a été importante dans la prise de conscience du génocide des Juifs, en France et dans le monde, dans les années 1960 et au-delà.
Traduit de l’anglais par Philippe Lesavre